Le rêve d'un homme ridicule, critique de Milo Lemagnen
La pièce a été jouée du 20 septembre au 1er octobre au théâtre Dunois.
Mise en scène Simon Pitaqaj.Textes Fiodor Dostoïevski, Charlie Chaplin, Simon Pitaqaj. Avec Denis Lavant.
Pièce vue par les élèves deTerm. 6.
Critique de Milo Lemagnen
Le rêve ridicule
On en veut toujours aux metteurs en scène dont le talent reste à prouver d’embrigader nos comédiens favoris dans une aventure, tant scénique qu’idéologique, malencontreuse.
Le début de la pièce est admirable, Denis Lavant, alors seul en scène, impressionne par la proximité qu’il entretient avec le public, c’est comme si le M. Merde caraxien avait été doué de parole pour nous raconter ses perspectives suicidaires dans cette ambiance d’une précarité cartonnée assez travaillée dès l’entrée en salle.
Dès que les planches de bois amovibles, qui constituaient les murs de la chambre de cet homme ridicule, s’écartent et laissent place à une sorte de monde métaphysique préhistorico-biblique très en vogue, la pièce s’engouffre dans les pires méandres idéologiques. Dès lors la rencontre du rêveur avec un groupe de supposés primitifs constitue le prétexte à des raccourcis franchement embarrassants se permettant de mêler toutes les époques (ère pseudo-édénique : Lavant réalise qu’il a été leur péché originel, révolution française, totalitarisme). Comme dans une scène dispensable où des micros tombés du ciel voient s’affronter les discours opposés de Lavant et de son croque-mort.
Mais ces époques ne sont-elles pas toutes pareilles ? semble dire la pièce dans un nihilisme ronflant.
Le tout devient une espèce de brûlot sans objet, assez indigeste, à mi-chemin entre l’atmosphère d’un roman de Pierre Guyotat et les artifices des plus mauvais films de Bertrand Mandico.
La pièce ne dit plus rien, elle patine, s’englue comme ces visages enduits de peintures et ces corps excessivement pailletés si bien que quand elle se décide enfin à finir, le plateau ressemblant à un champ de bataille laisse surtout l’impression que l’agitation a été vaine. Une fois de plus le metteur en scène aura opté pour la figuration sous couvert de dénonciation politique afin d’éviter les réels enjeux scéniques de l’imagination. Pourquoi choisir de représenter le rêve alors qu’il pourrait être raconté modestement par un seul personnage à la manière du remarquable début ?
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