Omar Youssef Souleimane, écrivain et Louis Danou éditrice au lycée

 Angéline Bascoul propose ci-dessous un compte-rendu du dialogue avec l’auteur Omar Youssef Souleimane et l'ancienne élève du lycée Henri IV, éditrice chez Flammarion, Louise Danou, le jeudi 18 novembre 2021 avec la classe de 2-7.

La classe pose avec les intervenants à droite et leur professeur.

 

Omar Youssef Souleimane est l’auteur d’un récit intitulé Le petit terroriste, et d’un roman intitulé Le dernier Syrien. Le petit terroriste raconte l’histoire d’Omar depuis son enfance, sa fuite de la Syrie, son arrivée en France au moment des attentats de Charlie Hebdo… Le dernier Syrien est une histoire qui se déroule lors du Printemps Arabe, sûrement inspirée en partie de la vie de l’auteur.

Louise Danou est une ancienne élève d’Henri IV.(…). Elle a toujours su qu’elle voulait être éditrice, et a finalement continué ses études à la Sorbonne, puis a commencé l’édition en faisant de multiples stages en maisons d’édition. Aujourd’hui, elle travaille chez Flammarion, où elle édite des romans français.

Omar Youssef Souleimane et Louise Danou se sont rencontrés lors d’un salon du livre à Brive-la-Gaillarde, et l’éditrice a été immédiatement frappée par la qualité de son français et par l’histoire qu’il racontait(..). Elle lui a donc proposé de travailler ensemble, en lui suggérant d’écrire un récit autobiographique sur son parcours depuis la Syrie (…) directement en français. (...) Omar a écrit Le petit terroriste en un an et demi, intégralement en français, sans traduction intermédiaire.



Questions-réponses

À Omar

Q : Aimeriez-vous tenter des projets en collaboration avec d’autres auteurs par exemple, ou en rencontrer pour discuter de vos œuvres ?

Omar : Non, je ne souhaite pas partager de projet avec un ou plusieurs autres écrivains, et même l’idée d’un livre à quatre mains me paraît étrange. Cependant, oui, il est très important et intéressant de rencontrer d’autres écrivains, car il s’agit aussi de la rencontre d’autres univers, par exemple lors de tables rondes.


Q : Où écrivez-vous et comment se déroule l’écriture d’un livre ?

Omar : Toujours dans des résidences hors de Paris. J’ai besoin de changer de cadre. Une fois à la Rochelle par exemple, en été, c’était très agréable. Je commence tout d’abord par faire le plan général du livre, puis j’écris de manière intensive pendant un mois environ, sans jamais me relire. Puis, je fais une pause une fois qu’il est terminé, et le laisse de côté durant plusieurs semaines, afin de prendre du recul. Je m’y remets ensuite, dans une optique d’amélioration du texte : j’en modifie 50 à 60%. Je reproduis ensuite ce processus autant de fois que nécessaire, selon mon avis personnel et celui de Louise, à qui j’envoie toutes mes versions intermédiaires.


Q : Quel était votre ressenti lorsque vous avez atterri pour la première fois sur le sol français ?

Omar : J’avais envie de tout tester, tout découvrir… J’ai commencé par un pain chocolat et un café, puis j’ai découvert le RER B, et la préfecture pour la paperasse (*en riant*). Non, plus sérieusement, je savais que je voyais la France d’une manière différente. Tout était nouveau. Vous, vous ne pouvez pas ressentir ça : vous avez toujours vécu là, vous avec l’habitude. Ma vision était différente de celle d’un habitant ou d’un touriste, je ressentais notamment une forte impression de sécurité, par rapport à l’endroit d’où je venais.


Q : Comment c’est, d’être journaliste sous une dictature ?

Omar : Compliqué, dangereux, mais excitant. Il faut savoir qu’en Syrie, j’étais convoqué au poste de police après avoir publié chaque article afin d’être interrogé dessus par les autorités. Cela pouvait durer de quelques heures à quelques jours. Il faut garder en tête qu’à cette époque, 12 millions de Syriens sont partis et environ 60% des bâtiments ont été détruits, donc c’était très dur.


Q : Dans quel but a été écrit Le petit terroriste ?

Omar : C’était à la fois un hommage et une psychothérapie. Je considère cela comme faisant partie des « archives de l’humanité », dans le sens où les livres comme celui-ci nous empêchent d’oublier, mais aussi car cet ouvrage m’a fait capturer chaque instant de beauté au milieu de l’horreur dans laquelle nous nous trouvions.

Q : Quel rapport avez-vous eu avec la poésie ?

Omar : J’ai été nourri en permanence par le style poétique, oral ou écrit. En effet, en Syrie, c’était une grosse partie de la littérature dans la mesure où le premier roman de cette région du monde n’est paru que dans les années 1920, montrant bien l’importance de la poésie, déjà présente depuis longtemps, par rapport au roman, beaucoup plus présent en France notamment.


Q : Quel est votre rapport avec votre famille ? Est-ce que vos liens sont toujours tendus ?

Omar : Mon père est mort il y a 3 ans, et je n’étais pas aux funérailles. Là-bas, la société fait beaucoup le lien entre morale et religion. À tel point que, lorsque j’ai annoncé publiquement lors d’un plateau télévisé que j’étais athée, les membres de ma famille se sont réunis et ont convenu de me renier.


Q : Quel est votre point de vue sur l’accueil des immigrés en France ?

Omar : Je pense que la différence est une richesse, que le métissage est magnifique. La France est un pays de mélange dans lequel l’immigration profite à tous.


Q : Souhaiteriez-vous déménager et tenter de vivre dans un autre pays ou comptez-vous rester en France ?

Omar : Vous savez, fuir d’un pays m’a suffi. Je pense que je vais finir ma vie en France. Je me sens Français, et cela au-delà de la nationalité : ça passe par la langue que je parle, l’endroit où je vis, etc.


Q : Seriez-vous pour ou contre des adaptations de vos livres, au cinéma par exemple ?

Omar : Mais qui serait contre ?! Pourquoi, tu as un contact (*en riant*) ? Oui, évidement que je serais pour. Il y a déjà une adaptation de mon livre Le petit terroriste au théâtre : c’est un monologue, au départ co-écrit avec le metteur en scène puis que j’ai réécrit.


À Louise



Q : Combien de livres lisez-vous par jour ?

Louise : Dans l’édition, il y a plusieurs types de lectures : une lecture extrêmement attentive et minutieuse pour les auteurs que je publie (leurs manuscrits), une lecture rapide et technique, parfois en un quart d’heure seulement, pour les inconnus qui m’envoient leurs manuscrits, afin d’évaluer si on peut en faire quelque chose, et enfin ma lecture personnelle, pour le plaisir, à laquelle s’ajoute la lecture d’ouvrage de maisons d’édition concurrentes, pour me tenir au courant. J’ai minimum 4 ou 5 textes à traiter par jour.


Q : Quelle est votre journée-type ?

Louise : J’ai rendez-vous à 9 heures du matin dans un café avec, le plus souvent, un de mes auteurs afin de discuter de la dernière version de son manuscrit. Ensuite, je me rends à mon bureau, où 40 mails urgents m’attendent déjà. Ils traitent de problèmes dans la section design, ou marketing, ou encore des auteurs dont la publication du livre ne se passe pas bien, mais aussi des premières versions de livres d’inconnus. J’ai aussi une pile de manuscrit dans des enveloppes à lire à un moment ou un autre de la journée. Ensuite, j’ai un rendez-vous lors de mon déjeuner, puis une réunion (marketing, graphisme, avec la directrice par exemple) très ennuyeuse où je dois acquiescer de la tête tout ce qui est dit pendant une heure et demie pour finalement prendre la décision qui était prévu de prendre au départ (*en riant*). Après cela, j’appelle en général certains de mes auteurs pour discuter de quelques modifications sur leurs livres. Je continue ensuite à trier des mails, puis, en rentrant chez moi, je passe acheter un livre d’une maison d’édition concurrente pour le lire plus tard.


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